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© Sylvain Frappat / Ville de Grenoble

À Grenoble, bientôt un nouvel Observatoire pour participer à la sauvegarde de la biodiversité locale

Je pense

Publié le 05/04/2022

Alors que la disparition des espèces s’accélère, le Conseil Scientifique de Grenoble Capitale Verte de l’Europe organise une journée «Sols et biodiversité» le 14 avril au Museum de Grenoble et lance officiellement l’Observatoire de la Biodiversité Grenoble-Alpes. Interview du professeur François Pompanon, du Laboratoire d’Ecologie Alpine de l’Université Grenoble-Alpes.

D'un rapport à l'autre, les experts mondiaux de l'IPBES (le « GIEC de la biodiversité ») et de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) n'ont de cesse d'alerter sur la disparition accélérée du nombre d'espèces. C'est dans ce contexte que le Conseil Scientifique de Grenoble Capitale Verte de l'Europe organise une journée « Sols et biodiversité » le 14 avril au Museum de Grenoble. A la manœuvre, le professeur François Pompanon, du Laboratoire d'Ecologie Alpine de l'Université Grenoble-Alpes (qu'il a dirigé de 2016 à 2020). Ce sera l'occasion aussi pour lui de lancer, avec son confrère Stéphane Bec, un nouvel Observatoire de la Biodiversité Grenoble-Alpes, auxquels les habitants de la métropole grenobloise sont invités à contribuer. Il nous en dit plus...


En quoi consiste ce nouvel Observatoire de la Biodiversité Grenoble-Alpes (OBIGA) ?

C'est un projet de science participative qui vise à rappeler à tous à quel point la sauvegarde de la biodiversité est essentielle à la survie de l'espèce humaine. Et qu'il ne s'agit pas seulement de lutter pour la préservation des pandas et des tigres. Nous avons, à Grenoble et alentours, des espèces locales à sauvegarder, dans un milieu a priori très riche (avec des massifs montagneux, des zones humides, etc).

Cette biodiversité locale joue un rôle très important. Au départ, nous avons eu l'idée de créer cet Observatoire pour impliquer nos étudiants dans la collecte et le suivi des données de biodiversité sur le campus de Saint-Martin-d'Hères, qui est, avec ses 180 hectares, le plus grand parc urbain du département de l'Isère. Et puis nous avons pensé qu'on pourrait en profiter pour sensibiliser un plus large public.


Comment proposez-vous à la population de participer à cette collecte de données ?

À travers les applications pour smartphones que sont Pl@ntNet et iNaturalist. Faciles d'utilisation, elles permettent d'identifier automatiquement des espèces prises en photo via un smartphone. Quiconque, à l'occasion d'une promenade dans la Métropole grenobloise (dans un cercle autour de Grenoble, et jusque sur les contreforts des massifs environnants – Chartreuse, Belledonne, Vercors), pourra ainsi nous envoyer le fruit de ses collectes.

Ces données seront centralisées dans l'Observatoire de la Biodiversité Grenoble Alpes (OBIGA), géré au sein de l'Université Grenoble Alpes par l'Observatoire des Sciences de l'Univers de Grenoble et le Laboratoire d'Ecologie Alpine. Elles seront aussi transmises aux bases de données nationales, contribuant aux efforts de recherche sur la biodiversité, et pourront aussi servir de support à des actions de formation, ou être utilisées pour la gestion et l'aménagement des espaces (en particulier le domaine universitaire de Saint Martin d'Hères).


Espérez-vous découvrir ainsi de nouvelles espèces ?

Non, on ne découvre pas de nouvelles espèces par ce type d'action participative, ces applications ne permettent de repérer que des espèces précédemment identifiées. En revanche, il sera intéressant de documenter la localisation de ces espèces. Sous l'effet du changement climatique, on verra peut-être arriver à certains endroits des espèces qui n'y étaient pas avant (des espèces exotiques invasives comme la Renouée du Japon par exemple). On pourra voir aussi des espèces remonter en altitude.

Participer à un inventaire comme celui-ci, c'est aussi travailler pour le futur : collectées sur le temps long, les données permettent de répondre à des questions qui surgissent plus tard, et peuvent être analysées avec de nouveaux outils ; elles peuvent aussi servir de base à des prédictions. Et de ce point de vue-là, plus l'échantillonnage est important, mieux c'est. D'où notre souhait de voir un maximum de gens participer.


Les habitants de l'agglomération grenobloise sont invités à participer à cet inventaire du mois d'avril au mois d'octobre, dans le cadre de l'année Grenoble Capitale Verte de l'Europe. Mais ça ne s'arrêtera pas là ?

Non ! Avec les données collectées, nous produirons un atlas citoyen de la biodiversité, qui sera présenté au Muséum de Grenoble au mois d'octobre dans le cadre d'une exposition baptisée « Nos voisins, les vivants ». Là encore, parce qu'il est nécessaire de sensibiliser le grand public.

Mais l'idée, c'est que l'Observatoire reste dans le temps, sur 10 ans et plus. Cela permettra par exemple d'examiner l'impact des aménagements sur la biodiversité, que cet impact soit positif (exemple : si l'on remet des haies sur le campus universitaire, cela permettra-t-il à des espèces de revenir sur le site ?) ou négatif (exemple : si une zone est artificialisée, avec une construction, quelles espèces perd-on ?). Toutes ces informations peuvent constituer des sujets de recherche pour nos étudiants ; elles peuvent aussi servir de base à des actions de formation pour les agents des collectivités, les enseignants de l'académie, par exemple.


Vous revenez souvent sur le travail de sensibilisation à mener auprès du plus grand nombre...

Oui. Les rapports du Panel International pour la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES) estiment qu'environ 1 million d'espèces animales et végétales sont aujourd'hui menacées d'extinction, au cours des prochaines décennies. Ce sont des estimations difficiles à faire, notamment parce qu'on ne connaît pas toutes les espèces vivantes. Ce qui est sûr, c'est que le rythme auquel elles disparaissent est très rapide : il est 100 à 1000 fois plus rapide que lors de leur renouvellement naturel. Or la sauvegarde de la biodiversité est pour nous, humains, une question de survie !

Prenez la biodiversité du sol, dont nous ne connaissons encore qu'une infime partie. Ces espèces jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des sols : elles recyclent la matière organique, stockent le carbone, fertilisent les sols et sont donc importantes pour l'agriculture, elles jouent un rôle d'épuration des eaux... Des champignons aux bactéries en passant par les végétaux et les insectes, elles représentent plus du quart des espèces animales et végétales connues (deux fois plus que dans les océans) et sont pour nous très importantes. C'est pourquoi nous leur consacrons toute la matinée du 14 avril au Museum de Grenoble, dans le cadre de notre journée « Sols et biodiversité ».

 

Au programme de la journée « Sols et Biodiversité », le 14 avril, à l'auditorium du Museum de Grenoble :

9h : Lancement de l'Observatoire de la Biodiversité Grenoble-Alpes par Francois Pompanon
Ouvert au grand public et gratuit • maximum 100 personnes

9h15 – 12h : « Sols vivants : la biodiversité est aussi sous nos pieds ! »
Ouvert au grand public et gratuit • maximum 100 personnes
Conférence avec entre autres Stéphane Bec, professeur agrégé du Laboratoire d'Ecologie Alpine, et Philippe Lebeaux, photographe et vidéaste, spécialiste depuis 15 ans de la biodiversité des sols. Certaines de ses oeuvres sont présentées du 5 au 29 avril au Museum de Grenoble. C'est l'exposition « Les petites bêtes du sol ».

14h-16h30 : « Objectif zéro artificialisation nette des sols dans la métropole grenobloise : enjeux, outils et actions»
Sur invitation • Atelier à destination des élus, aménageurs et chercheurs.

18h30 : « Jardiner la ville... oui mais comment ? »
Ouvert au grand public et gratuit • maximum 100 personnes
Conférence grand public qui présentera des exemples et des techniques pour réussir un jardin productif et fertile dans l'espace urbain. Avec Marie Arnould, rédactrice en chef du magazine "Les 4 Saisons" et Pascal Aspe, chef-jardinier du Centre Écologique Terre Vivante.
En lien avec l'exposition « Jardiner la ville », à voir à La Plateforme du 6 avril au 25 juin.

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