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© Jean-Sébastien Faure / Ville de Grenoble
Son métier, c’est « prendre l’air »
Je pense
Publié le 07/02/2022
Rencontre avec Gaëlle Uzu, biogéochimiste de l’atmosphère, directrice de recherche de l’IRD à l’Institut des Géosciences de l’Environnement à Grenoble, et chef d’orchestre des activités du Conseil Scientifique de Grenoble Capitale Verte de l’Europe en ce mois de février consacré au thème de l’air.
Elle a ouvert les portes de son laboratoire à des artistes du collectif « Un euro ne fait pas le printemps » pour aborder autrement la problématique de la qualité de l’air. Résultat : une conférence théâtralisée baptisée « Conf’errance sur la pollution atmosphérique » présentée au Café des Arts à Grenoble le jeudi 3 février, et à découvrir samedi 26 février à 15h au Domaine de Vizille, Musée de la Révolution française.
« Elle prend l’air », disait son fils, à l’école, au sujet de son métier. « Mon travail, c’est de dire aux gens que la pollution de l’air tue », lance plus crûment Gaëlle Uzu (en photo). « On la surnomme dans notre jargon, « silent killer », celle qui tue en silence », précise cette biogéochimiste de l’atmosphère, directrice de recherche de l’IRD à l’Institut des Géosciences de l’Environnement à Grenoble, rappelant que la pollution atmosphérique est responsable chaque année de 8 millions de morts prématurées dans le monde. En ce mois de février consacré au thème de l’air dans le cadre de l’année Grenoble Capitale Verte de l’Europe, c’est elle qui a eu l’idée de faire appel à des artistes pour aborder ces questions difficiles.
« Voilà quinze ans que nous répétons les mêmes choses », dit Gaëlle Uzu, « j’ai pensé qu’on toucherait peut être un plus large public en abordant ce problème avec un autre regard ». Et la chercheuse ajoute : « Les Grenoblois continuent de penser que la pollution de l’air ici est due avant tout aux camions et aux industries, et quand on leur dit que leurs cheminées et leurs voitures en sont en réalité les principales responsables, c’est l’incompréhension ! ».
Gaëlle Uzu le sait pourtant mieux que quiconque. Avec ses collègues de l’équipe CHIANTI (Chimie Atmosphérique, Neige, Transferts et Impacts), elle consacre son temps à l’examen des particules d’air, et notamment celles qui se déposent sur le toit de son laboratoire à l’Université Grenoble-Alpes. « Nous sommes un peu des Sherlock Holmes de l’atmosphère », précise-t-elle, « notre travail consiste à mener l’enquête sur ce que contiennent les particules d’air, pour savoir comment elles peuvent ou non avoir un impact sur la santé ».
Heiko Buchholz, acteur et auteur, membre du Collectif « Un euro ne fait pas le printemps », a passé trois jours à observer le travail de ces scientifiques, en compagnie de la dessinatrice Isabelle Raquin. « Ils nous ont montré toutes leurs machines », détaille l’artiste, passionné, « il y en a de toutes sortes : des appareils qui chauffent l’air à 800 degrés, d’autres qui imitent la muqueuse des poumons... »
C’est ce qu’il raconte sur scène, en costume gris, au cours de conférence théâtralisée de 45 minutes. Un récit qui s’appuie sur les dessins d’Isabelle Raquin, et où s’entrecroisent son expérience intime et ses découvertes faites à l’Institut des Géosciences de l’Environnement. Car, pour Heiko Buchholz, « l’art est un moyen d’explorer le monde et d’offrir un autre regard, plus poétique, sur les sciences ».