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Au Lycée horticole Grenoble Saint-Ismier, trois jours pour faire avancer l’agriculture urbaine

Je pense

Publié le 16/05/2022

Quelle place et quel rôle pour l’agriculture en ville ? Avec quelles techniques, et quel impact sur la santé ? Le Lycée Horticole Grenoble-Saint-Ismier se saisit de ces questions en organisant du mercredi 18 au vendredi 20 mai l’édition 2022 de l’Ecole d’Eté de l’Agriculture urbaine, son rendez-vous annuel international. Trois jours de réflexion et visites de terrain pour contribuer à imaginer la ville de demain, avec des experts nationaux et internationaux venus notamment du Québec, territoire pionnier de l’agriculture urbaine. Entretien avec Françoise Garguet, directrice adjointe du Lycée Horticole Grenoble-Saint-Ismier, et Thierry Repellin, directeur de son Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole.

En photo : Françoise Garguet, directrice adjointe du Lycée Horticole Grenoble-Saint-Ismier, et Thierry Repellin, directeur de son Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole.

Comment expliquer la forte présence du Québec à ce colloque international sur l'agriculture urbaine ?
Françoise Garguet :
En fait, c'est au Québec qu'est née en 2009 cette « Ecole d'Eté de l'agriculture urbaine », pour encourager le réseautage et le développement de projets. Elle est organisée là-bas par le Laboratoire d'Agriculture Urbaine de l'Université du Québec à Montréal, dont nous accueillerons les directeurs. Ce sont eux qui ont souhaité donner une dimension internationale à l'événement depuis quelques années. Strasbourg, Marseille, Bruxelles, Lyon ou Bordeaux, entre autres, ont depuis 2013 accueilli des éditions de l'Ecole d'Eté d'agriculture urbaine. Et en cette année 2022, alors que Grenoble est Capitale Verte de l'Europe, nous nous sommes dits : «on y va !».

Exploitation maraichère du lycée horticole en zone péri urbaineVoir l'image en grand
Exploitation maraichère du lycée horticole en zone péri urbaine : © DR


Le Québec est aussi considéré comme un territoire pionnier en la matière...

Thierry Repellin : Oui au Québec, voilà bien longtemps, 20 à 30 ans, qu'ils ont lancé des cultures sur les trottoirs, et qu'on peut cueillir des légumes en pied d'immeuble.

Françoise Garguet : A Montréal, ils ont la plus grande surface de serres sur les toits au monde, et tout un aménagement de maraîchage sur le toit du Palais des Congrès.... Mais même là-bas, ils se sont demandés, avec la crise sanitaire, si l'agriculture urbaine permettrait à leur ville d'être autonome, et ils n'en sont pas là !

Thierry Repellin : Oui, et de façon générale, l'agriculture urbaine est encore très peu développée, dans les pays industrialisés. Ce sont des questions qui commencent à se poser, ici ou là, avec trois préoccupations importantes : l'alimentation, l'écologie (puisqu'il s'agit de rapprocher les zones de production alimentaire des habitants des villes, et donc de réduire les émissions de gaz à effets de serre liées aux transports) et la création de lien social, une dimension extrêmement importante en agriculture urbaine.


Vous aimeriez lancer au Lycée Horticole Grenoble-Saint-Ismier une formation dédiée à l'agriculture urbaine... Il n'en existe pas encore en France ?

Thierry Repellin : Une licence s'est mise en place à Angers, et ce sont des questions qui intéressent les universitaires en France, qu'ils soient urbanistes ou sociologues : comment aménager la ville en prévoyant des espaces pour l'agriculture, où et comment utiliser l'agriculture pour créer du lien social... Mais il n'existe pas de formation technique : en France, depuis 50 ans, on forme des agriculteurs pour produire à la campagne, et des paysagistes pour décorer la ville, mais on ne prépare pas des gens à être agriculteurs en ville. C'est une formation de ce genre que nous souhaiterions lancer, avec un cursus de type Bachelor (Bac+3), en autonomie, et en lien bien sûr aussi avec des ingénieurs, des urbanistes, des universitaires. C'est toute une filière qu'il faut développer.

Françoise Garguet : Et dans ce domaine aussi les Québécois ont une longueur d'avance. Parmi nos invités, Normand Poniwiera, directeur du Cégep de Victoriaville, viendra vendredi 20 mai présenter une formation à l'agriculture urbaine qui s'adresse là-bas notamment aux jeunes en sortie de lycée. Le Laboratoire d'Agriculture Urbaine de l'Université du Québec à Montréal forme lui plutôt des agriculteurs ou jeunes actifs en reconversion. Et ce sont des cursus qu'ils n'ont aucun mal à remplir : il y a un réel intérêt pour l'agriculture urbaine au Québec.

Exploitation maraichère du lycée horticole en zone péri urbaineVoir l'image en grand
Exploitation maraichère du lycée horticole en zone péri urbaine : © DR

Comment en êtes-vous venus au Lycée Horticole Grenoble-Saint-Ismier à vous intéresser à l'agriculture urbaine ?
Thierry Repellin : Pendant 40 ans, nous avons formé des paysagistes. Et depuis 5-10 ans, nous formons aussi des gens à produire, notamment en maraîchage de petite surface, totalement adapté en zone péri-urbaine. Au Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole, nos recrues sont pour beaucoup en reconversion professionnelle. D'anciens ingénieurs, par exemple, à qui on enseigne des techniques, mais qui ont aussi, grâce à leur parcours universitaire passé, des compétences qui leurs permettent de concevoir des projets, et de les monter en discutant avec les élus. Mais pour pouvoir durer dans le temps, il leur faut aussi des techniciens. Ce sont les chantiers de demain.


Et techniquement, quelles sont les spécificités de l'agriculture urbaine ?

Thierry Repellin : C'est une agriculture de petite taille et locale... En agriculture urbaine, on n'a pas de tracteurs de 300 chevaux tirant d'énormes machines. On est beaucoup dans l'agroforesterie, un peu dans la permaculture aussi. L'idée, c'est de travailler le moins possible les sols : on ne les retourne pas, on les aère ; en guise d'amendements, on apporte le compostage qu'on a pu faire, et pas d'engrais chimiques de synthèse utilisés sur les grandes surfaces... Et puis la production s'accompagne aussi de ventes sur place, de livraisons de proximité et de la transformation des produits.

Françoise Garguet : Il est aussi bien sûr beaucoup question de cultiver sur les toits. A Grenoble, un diagnostic a d'ailleurs été fait pour déterminer quelles surfaces de toit pourraient être cultivées. Et forcément, en toiture, ce ne sont pas les mêmes méthodes.

Thierry Repellin : Des expérimentations sont menées... Par exemple, dans les serres sur les toits, on peut mettre des bidons d'eau pour réguler la température, et pourquoi pas y mettre aussi des poissons, dont les déjections permettraient d'alimenter les plantations en azote...


Il y a encore beaucoup de recherches et de réflexions en cours en agriculture urbaine...

Thierry Repellin : Exactement ! De nombreuses questions restent en suspens. Par exemple : produire sous des serres en plastique, est-ce vraiment idéal ? Et par ailleurs, la production de légumes en ville, avec la pollution qu'on connaît en zone urbaine, peut-elle avoir un impact négatif sur la santé ? On posera cette question au 2ème jour du colloque, jeudi 19 mai, d'ailleurs. Et c'est tout l'intérêt de cette Ecole d'Eté qui rassemble du public et des chercheurs venus de plusieurs pays ; il s'agit de voir ensemble comment faire avancer l'agriculture urbaine, comment produire sur de petites surfaces en limitant l'empreinte carbone et en créant du lien social. Comment faire en sorte aussi que la référence pour nos enfants, en matière de fruits et légumes, ne soit plus le supermarché.

Découvrez l'école d'été de l'agriculture urbaine 2022

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